Pour comprendre ce qui s'est passé durant cette période, il faut se souvenir que la France, vers 1750, est très isolée, sur le plan musical, du reste de l'Europe qui est acquis depuis longtemps à la suprématie de la musique italienne. Seule la France résiste à cette hégémonie. La résistance est symbolisée par le style de la tragédie en musique de Lully représentée à présent par le vieux Rameau âgé alors de 68 ans en 1752.
Le 1er août 1752, une troupe italienne installée à Paris débute la représentation de La Serva Padrona (La Servante Maîtresse) de Jean-Baptiste Pergolese (1710-1736). Il s'en suivra une polémique qui divisera jusqu'en 1754 l'intelligentsia musicale parisienne en 2 clans :
- le coin du Roi : partisans et défenseurs de la tragédie lyrique représentante du style français et donc de l'opéra-seria. Ce style évoque la mythologie, le caractère merveilleux et ce classicisme est associé à l'image du pouvoir absolu de Louis XIV. L'opéra français ignore la mode de l'emploi le plus large aux sopranos féminins et aux castrats. Les livrets doivent rester compréhensibles, ce qui limite certains procédés comme les vocalises. La musique doit en principe servir le texte.
- le coin de la Reine : les «Bouffonistes » sympathisants de l'opéra-bouffe italien.
L'opéra-bouffe consiste en une série de péripéties comiques jouées par une petite poignée de personnages. L'opéra italien fait la plus large place aux sopranos féminins et aux castrats. Ses sympathisants sont associés à l'esprit des Lumières : les philosophes, les rédacteurs de l'Encyclopédie (Rousseau, Diderot...) qui mettent en avant la simplicité, le naturel, la spontanéité de l'opéra-bouffe italien caractérisé par une musique donnant la primauté à la mélodie.
Pour eux, la nature est bonne par essence et il faut retourner à la simplicité : pas de livrets pompeux, ni d'abus de mythologie.
A partir d'août 1752, les représentations des répertoires des 2 styles musicaux furent de plus en plus houleuses : prises à partie, invectives... On en vint même aux mains. Il en naîtra une véritable querelle pamphlétaire qui animera les cercles musicaux, littéraires, philosophiques parisiens jusqu'en 1754. Pour Rousseau, c'est la mélodie qui guide la musique ; alors que pour Rameau, c'est l'harmonie : deux positions irrémédiablement inconciliables ! Rameau finira par accuser Rousseau et les encyclopédistes d'incompétence : il faut bien reconnaître que leurs connaissances musicales étaient loin d'égaler celle de Rameau. La Querelle des Bouffons intéresse tout autant l'histoire de la musique que l'histoire des idées. Elle finit par s'éteindre mais la tragédie lyrique et les formes apparentées ont reçu de tels coups que leur temps est révolu. Seul Rameau, compositeur officiel de la cour, osera encore écrire dans ce style désormais dépassé.
La Querelle des Bouffons a été un indéniable stimulant de la pensée et constitué un glorieux débat entre la musique française et la musique italienne.
Source : http://fr.wikipedia.org